mercredi 27 avril 2011

Prologue et chapitre premier

Les murailles de glace




Le froid se faisait de plus en plus intense. L’hiver avait surpris et avait en quelques jours recouvert toutes les terres, habituellement encore fertiles à cette époque, d’un épais manteau de neige. Les anciens, assis dans la chaleur de la taverne du port, n’y comprenant rien, avançaient des théories. Ces évènements avaient-ils un rapport avec l’arrivée tardive des pluies ? Pourtant, même les plus sages ne pouvaient reconnaître dans ces troubles climatiques ce que l’on avait appelé, des années plus tôt, l’ère de méditation divine. Plusieurs décennies, plusieurs siècles plus exactement, avaient chassé des mémoires l’année où les dieux avaient laissé les hommes de côté pour régler les problèmes divins, cette année où Nadjra, le mauvais dieu, avait failli réussir à descendre sur terre, là où ses fantasmes de bain de sang et de domination allaient pouvoir s’accomplir. Pagyva, le dieu des dieux, avait par bonheur réussi à le vaincre de justesse. Malheureusement, bien des années plus tard, même les plus haut placés ne pouvaient connaître la vérité. En effet, l’obscurantisme maintenu alors par les rois et l’Eglise avait empêché les tablettes dans lesquelles l’histoire avait été dévoilée peu à peu par les dieux d’être révélées au grand public. Et maintenant que la monarchie dans les royaumes de Kalor n’était plus aussi stricte qu’autrefois, les tablettes n’existaient plus. C’est pour toutes ces raisons que personne ne se rendit compte que cet hiver soudain allait avoir des conséquences dramatiques…
















Chapitre premier

Du haut de ses appartements, le roi de Kalor avait un œil sur toute sa cité principale, et la vue de tous ses bateaux coincés au port le rendait anxieux. Si aucun de ses vassaux ne pouvait prendre la mer, la ville ne tiendrait que peu de temps sur ses réserves. Il se devait, en tant que bon souverain, de ne pas laisser une famine accabler son peuple. Il n’aimait pas ce genre de problème, donnez-lui une épée et il gagnerait la guerre, mais trouver une solution pour faire fondre instantanément la glace qui leur bouchait l’accès à leur source principale de nourriture, cela, il ignorait comment s’y prendre. Il n’était pas scientifique après tout, et même ces derniers butaient sur le souci que le pays rencontrait. L’hiver était tombé tellement rapidement ! Gelant sur place toutes les jeunes pousses prometteuses cultivées d’un côté du château, et glaçant les flots de l’autre.
Il était plongé dans ses réflexions quand quelqu’un frappa à la porte. Après un «Entrez » sonore de sa part, un homme de grande taille et à la carrure impressionnante entra dans la pièce. 
-    « Monseigneur, vos trois plus grands conseillers viennent de se présenter aux portes du palais, dois-je les faire entrer ?
-          Oui bien sûr, merci Darang.
-         Puis-je tuer ces vieux grincheux avec l’énumération de vos nombreux titres, votre Altesse ? La question était posée avec un grand sourire.
-         A une seule condition, très cher, que vous soyez un peu plus familier avec moi, plaisanta le roi
-          Comme sa Majesté le voudra ! »
Cet homme était le gardien royal, l’homme qui devait protéger le souverain au péril de sa vie. Depuis sa plus tendre enfance il avait été assigné à cette tâche et ne quittait son roi et ami sous aucun prétexte. Il tourna les talons, sortit dans le couloir et annonça aux trois hommes qui l’attendaient dans le hall. 
-         «  Aron Mildva, haut Seigneur des royaumes de Kalor, Gardien des terres de Pagyva, Directeur de la Sainte Eglise, Détenteur du Glaive des dieux et Protecteur de la cité divine est prêt à vous accueillir dans son bureau. Je vous en prie, si vous voulez bien me suivre ».
            Et c’est avec un sourire jusqu’aux oreilles qu’il entra à nouveau dans la pièce, suivi des trois conseillers qui avaient tous l’air plus ennuyeux les uns que les autres.
            - « Messieurs, permettez-moi de me retirer le temps de votre réunion. J’espère que vous trouverez les solutions aux maux qui hantent notre pays actuellement.
            - Merci Darang. Vous pouvez vous retirer plus loin que derrière cette porte, prenez un peu de temps pour vous, je suis en sécurité ici ! » répondit Aron d’un ton solennel pour ne pas laisser paraître leur profonde amitié. A ces mots ils jetèrent tous deux un œil vers un coin de la salle exceptionnellement sombre. Le message était passé instantanément entre les deux hommes. Tous deux avaient remarqué cette anomalie et en connaissaient la raison. Ce fut donc sereinement que Darang put répondre à son roi :
            « Très bien, Monseigneur, et il tourna les talons.
            - Bien, messieurs, nous pouvons commencer ».
            Après un des après-midi les plus soporifiques que l’on puisse imaginer, les trois hommes se retirèrent, laissant leur souverain seul dans la pièce. Enfin, seul, c’est du moins ce qu’ils croyaient, car le roi, tout comme son protecteur, avait remarqué cette ombre dans un coin. Tout aurait paru normal à n’importe quelle tierce personne, mais le roi était coutumier des techniques de camouflage. Cette espèce de fin nuage noir dont les volutes discrètes restaient presque invisibles, était en effet un écran cachant quelqu’un, et il était certain de l’identité de la personne en question. Il se retourna donc dans sa direction et s’adressa à ce qui semblait être un endroit désert :
            - « Je suis vraiment heureux de te revoir, que me vaut l’honneur de cette visite ?
            - Et tu me trouves comblé de joie de revenir dans ce beau pays ! Je suis là pour la fête que tu donnes chaque année, je fais partie des sept, moi aussi, ne l’oublie pas !
            - Excuse-moi; avec tous les problèmes que rencontre le royaume actuellement cela m’est totalement sorti de la tête.
            - Oui en effet, j’ai cru comprendre que tu subissais aussi les caprices du temps, comme tout le monde d’ailleurs. Je ne fais pas exception sur ce point, mes terres sont malheureusement touchées par la neige, elles aussi, soupira l’ombre.
            - J’espère que tout cela passera vite… En attendant je tiens à te montrer que, malgré les circonstances, l’hospitalité de cette demeure n’a pas changé. Sors de là pour l’instant, s’il te plaît, je n’aime pas parler dans le vide ! »
            Aron perçut un léger mouvement et un homme mince revêtu d’une grande cape noire sortit de l’obscurité. Il s’inclina et s’installa sans rien demander dans un des deux grands fauteuils devant la cheminée. Son hôte le suivit et prit place à ses côtés.
            « Cela fait vraiment du bien de te revoir, Aron, et quel plaisir de se reposer un peu aussi. Il me faut avouer que tes conseillers et leurs discours m’ont bien endormi, mais je crains que cela ne suffise pas.
            - Je ne te le fais pas dire ! Ils ne s’arrêtent jamais de parler et pourtant n’arrangent rien. C’étaient les conseillers de mon père. Il est grand temps que je m’occupe de les remplacer par des personnes plus dynamiques. En attendant que je règle cela, tu pourrais faire un tour en ville, l’air marin doit te manquer, je te rejoindrai dès que possible.
            - Ainsi je pourrai rendre visite à cette chère Mégliara. Après tout, cela fait plus d’un an que je ne l’ai pas vue, et je pense que nous aurons des choses à nous dire.
            - Ma chère cousine n’est pas à Blos Kalor ces temps-ci.
            - C’est bien dommage, les dernières nouvelles datent d’il y a tout juste un an. Elle doit encore parcourir le monde, je plains ceux qui se dresseront sur son …  »
Il fut interrompu par quelques coups sourds à la porte. Le roi autorisa l’entrée, et Darang apparut. Il esquissa un sourire en voyant ses deux amis d’enfance en train de discuter. Williams se tourna vers lui et le salua : 
            « C’est donc toi qui es en charge de la sécurité ici, le fait que cet endroit soit un vrai gruyère ne m’étonne donc plus, lui dit-il avec un clin d’œil.
            - Quand les gardes m’ont dit avoir vu un jeune homme qui tentait de façon ridicule de se dissimuler, j’ai tout de suite pensé à vous, et je leur ai intimé l’ordre de vous laisser jouer. Mais maintenant que vous me le dites je ferais peut-être bien de vous surveiller, vous seriez capable de voler le Glaive des dieux.
            - Perspicace, je l’avoue. Voilà des années que je convoite cette lame que personne n’a le droit d’utiliser mais que j’aurais l’honneur de mettre sous vitrine pour faire l’important, comme le fait mon ami Aron.
            Le nouvel arrivant et le protecteur royal éclatèrent de rire en se prenant dans les bras. Tous deux se connaissaient très bien, et il en était de même pour encore trois autres souverains. Des années plus tôt, alors qu’ils n’étaient que des enfants, ils avaient passé une décennie ensemble, ce qui avait tissé entre eux des liens très forts.
            - En parlant de cette arme, je ne la vois plus, tu as décidé de l’enlever de ton bureau, elle ne te sert plus de motivation ?
            En guise de réponse, le roi se leva à son tour et rangea en pile des centaines de papiers qui encombraient une table. Une fois cette paperasse déposée ailleurs, les trois hommes purent admirer la magnifique épée, posée sur un coussin rouge vif et protégée par une vitrine. Cette arme était légendaire. Donnée aux humains par les divinités, elle ne devait jamais être utilisée par quelqu’un d’autre que le fils de Pagyva, le dieu des dieux. C’était autour d’elle que les sept souverains venaient se réunir chaque année. « Tu t’en sers de plateau à présent ? Très ingénieux ! Jamais je n’aurais cru que quelqu’un lui trouverait une utilité, le taquina Williams.
            - Pas très glorieux, j’espère que les dieux ne m’en voudront pas.
            - Ne t’en fais pas, s’ils t’en voulaient tu serais déjà grillé vif, ou bien envoyé sur la lune, mais pas vautré sur ton trône à te tourner les pouces. Ils se sourirent.
            - En parlant de lune, je m’en voudrais de déranger ces seigneurs dans une si passionnante conversation, intervint Darang, mais je suis venu pour vous annoncer que des centaines de bateaux arrivent vers nous. Ils brisent la glace sans problème et leurs bannières sont violettes et ornées d’une lune, l’Empereur Dalimos arrive.
            - Des centaines de navires ? s’étonna Aron, que ne ferait-il pas pour se faire remarquer, celui-là ! Il plaisantait, l’homme qui était sur le point de débarquer était lui aussi un ami d’enfance, et plutôt réputé pour sa discrétion. Grâce à lui la pêche va pouvoir reprendre, il nous rend un fier service, tout s’arrange finalement. Très bien ! Darang, fais-nous préparer des chevaux et une escorte, nous descendons sur le port.
            - Tout est déjà prêt, ils vous attendent devant la porte.
            - Impressionnant d’efficacité, le flatta amicalement le roi d’Atorna.
            - Oui, il m’arrive de m’étonner, mais que ne ferions-nous pas pour que sa majesté Péréosane soit la bienvenue à Blos Kalor ?
Après un petit sourire, il sortit de la pièce, et les deux seigneurs le suivirent. Ils parcoururent rapidement les quelques corridors qui les séparaient de la sortie et passèrent sous l’immense porte. Comme prévu, une dizaine d’hommes les attendaient, ainsi que trois chevaux. Aron se retourna vers son protecteur.
            « Darang, avant de nous rejoindre, veuillez faire dire aux cuisines de préparer un repas en l’honneur d’Azaat Dalimos et de Williams Péréosane. Et pendant que vous y êtes, réveillez un peu les soldats et faites-les s’entraîner, il n’est pas normal que l’on rentre ainsi au château ! Et je veux qu’ils soient parés à toute éventualité pendant les fêtes qui se préparent. A tout à l’heure. Cette fois-ci, devant les autres gardes, leur relation d’amitié ne transparaissait aucunement.
            - Tout de suite, Majesté, il tourna les talons et rentra dans la demeure.
            Ils se mirent en selle et partirent lentement en direction du quai. De ce côté du château, les maisons étaient très serrées, et la population assez dense, du fait de la proximité de la mer. Toutes ces familles avaient plus au moins un rapport avec la pêche. Ils avançaient dans les petites rues pleines d’étalages et de vendeurs. Ceux-ci s’écartaient pour les laisser passer, et s’inclinaient jusqu’au sol devant leur roi. On aurait pu croire que ce geste était un signe de crainte, mais ce n’était autre qu’un profond respect. Les deux cavaliers ne mirent que quelques minutes à rejoindre la mer, les bateaux étaient encore à bonne distance et progressaient lentement. Le quai se remplit petit à petit de monde, tous étaient venus assister à l’arrivée des étrangers, et poussés par la curiosité que leur inspirait la venue du roi. Les Kalossiens avaient toujours été très accueillants avec les gens d’ailleurs et certains préparaient déjà des présents à offrir en guise de bienvenue. Darang fut vite de retour, il se fraya tant bien que mal un chemin parmi la foule et les rejoignit. Il annonça à son roi que tout était réglé, et se mit lui aussi à regarder l’horizon, ce que la majorité des personnes présentes faisait déjà. Le spectacle était des plus impressionnants, la flotte était imposante, et la facilité avec laquelle elle écartait la glace lui donnait des airs surpuissants, insubmersibles.
            Au bout de quelques minutes le bateau de tête fut tout proche, et jeta l’ancre. Il s’était avancé seul et s’était amarré juste contre la roche. D’aussi près, il paraissait encore plus majestueux. Un homme se dressa sur le pont, il était vêtu d’une tenue blanche sur le torse, dont la couleur évoluait peu à peu pour finir en rouge au niveau des pieds. Il paraissait jeune et son visage était tout ce qu’il y avait de plus serein. Il s’inclina en voyant les deux rois qui l’attendaient, ces derniers firent de même, suivis de peu par la foule. Les fixant il prit la parole :
            « Heureux de vous revoir, peuple de Kalor, et particulièrement vous, mes amis, dit-il en désignant des mains les deux souverains. Voilà encore un magnifique accueil que vous nous offrez, il est toujours agréable de venir ici.
            - J’espère que vous ne reviendrez pas sur votre opinion à ce sujet, et je m’engage à faire le nécessaire pour que cela n’arrive pas, lui répondit Aron.
            - Très bien, j’ai hâte de vous rejoindre. Où puis-je faire accoster mes vaisseaux ? Car j’ai un grand nombre de matelots et surtout de marchandises à débarquer. De plus en plus de marins apparaissaient sur le pont des navires restés en retrait. Une femme magnifique sortit alors à son tour de l’immense navire royal et s’approcha, derrière Azaat. Son teint était mat et ses cheveux très noirs. Elle avait de sublimes yeux bleus qui la rendaient irrésistible. Williams se pencha discrètement vers Aron et lui murmura à l’oreille :
             « Et bien voilà ! Je savais bien qu’il nous en ramènerait une bientôt ! Et quelle beauté ! Si ta cousine n’occupait pas mon cœur, je serais jaloux. Son interlocuteur sourit et reprit à haute voix.
            Il me semble que vous trouverez toute la place qu’il vous faut un peu plus au nord du port, j’envoie immédiatement des hommes pour vous aider à décharger vos bateaux. En attendant que cela se fasse, je pense que vous et… ?
            - Athalia Dalimos, ma sœur, cette dernière rougit immédiatement.
            - Que vous et la princesse Dalimos pourriez nous rejoindre, le roi Péréosane et moi, dans la grande salle ? La jeune femme s’inclina respectueusement, essayant tant bien que mal de cacher son visage empourpré.
            - Avec plaisir, répondit Azaat. Il donna ses ordres, ceux-ci furent répétés en écho et, petit à petit, les navires derrière lui virèrent de bord.

2 commentaires:

  1. Trop cool!! :) Voilà une intro prometteuse (je ne parlerais pas des tes ptites fautes, hein, avec le sacré pavé que t'as écrit).... Respect.
    Je sens que je vais bien squatter ici moi. ;)

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  2. Si parle moi de mes fautes stp. C'est pas logique qu'il en reste, il as été corrigé.
    Je met en ligne le second chapitre aujourd'hui miss volette

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